De ce qui précède (Chevaux gentils ?), on voit bien quand les chevaux peuvent être dangereux pour l’homme qui veut le fréquenter.
Tout d’abord, évoquons le cas du poulain et du jeune cheval.
Celui-ci, s’il ne vous craint pas et ne vous fuit pas, va peut-être vous considérer comme un compagnon de jeu. Avec ses congénères de même maturité, il passe normalement de longs moments à s’affronter à coups de sabots et de dents, comme les gamins de nos écoles cherchent à savoir qui crache le plus loin. C’est dans ces joutes qu’il s’aguerrit et qu’il progresse, avant d’oser s’attaquer aux adultes et d’essayer de trouver sa place entre dominant et dominé. Le problème est que vous n’avez ni l’ossature, ni la musculature, ni la peau d’un cheval, même jeune, et que sa force non maîtrisée peut être excessive par rapport à la vôtre. Et cette brutalité certainement non intentionnelle peut vous être préjudiciable.
De toute façon, vous n’êtes pas un cheval et, si vous voulez le fréquenter sans danger, c’est dès cette période que vous devez lui apprendre, comme il l’apprend des chevaux adultes, à vous respecter. En vous armant éventuellement d’une longe, histoire d’égaliser un peu vos moyens physiques, vous devez lui apprendre à respecter votre espace vital, même si vous trouvez amusant de le voir venir fouiller dans vos poches.
Et puis, par le même moyen, faites le bouger, « chassez le » à distance de vous sans brutalité mais fermement, en agitant la longe devant son nez pour le faire reculer ou vers son arrière-main pour le faire avancer ou changer de direction par rapport à son intention première. Si vous devez aller jusqu’à le toucher, même un peu sèchement, pour le faire bouger, n’hésitez pas. Juste ce qu’il faut, mais tout ce qu’il faut pour obtenir son attention et son respect, donc ce que vous demandez : « Pousse-toi de là. ».
Rappelez-vous : le dominant, c’est celui qui fait bouger les pieds de l’autre (voir Join up).
C’est aussi dès cet âge qu’il faut le désensibiliser à tout ce qui n’est pas naturel pour lui, mais qui fera le quotidien de votre relation harmonieuse. C’est encore pire, bien sûr, si s’y ajoute une raison extérieure de panique (camion, tracteur, moto, coup de feu, …) et qu’il ne peut pas encore vous faire confiance pour le rassurer et le calmer.
Nous y reviendrons car c’est important : s’il n’est pas désensibilisé à tout cela, chaque demande peut aboutir à des réflexes de défense ou de panique particulièrement dangereux pour vous et pour lui.
Chez le cheval plus mûr, disons dès l’âge du débourrage,
la relation est déjà beaucoup plus intentionnelle. Tout ce que vous voulez lui apprendre et qui n’est pas forcément (loin de là) ni naturel, ni agréable, ni simplement son intention initiale (rentrer dans un van par ex), peut être un travail plaisant où il se prête au jeu le plus souvent avec beaucoup de bonne volonté, si vous avez créé à son égard une relation de dominant bienveillant mais ferme.
Ou ce peut être un combat épuisant et frustrant, dans lequel il ne vous écoute pas, ne comprend rien à ce que vous lui demandez (mal) et, finalement, se rebelle de façon violente et dangereuse.
Pour simplifier, je vois trois grandes circonstances de danger dans la relation avec les chevaux :
Vous êtes ou il vous considère comme un prédateur. Ex :
- Vous entrez sans précaution dans son box.
- Vous le frappez avec une trique pour le faire bouger.
- Vous lui mettez le mors sans précaution dans la bouche, en lui cognant les dents.
- Vous le sellez avec brutalité en jetant la selle sur son dos.
- Vous le sanglez en serrant très fort tout de suite, sans attendre qu’il dégonfle, qu’il se détende.
- Vous le montez sans vérifier qu’il n’a pas mal au dos.
- Ou, simplement, vous avez trop de main dans sa bouche ou trop de jambes dans ses flancs, quand il suffirait peut-être d’être doux et de lui laisser le temps de comprendre votre demande et d’y répondre.
- Etc…
Ou bien il peut vous fuir ; et ce n’est pas bien dangereux, mais c’est assez frustrant. Ou bien il ne le peut pas ; et son instinct de survie va le pousser à se défendre, ce qu’il peut faire avec beaucoup de violence.
Vous êtes ou il vous considère comme un dominé. Ex :
- Vous l’avez laissé développer des habitudes de familiarité : se frotter contre vous pour se gratter, vous bousculer pour vous dépasser et vous tirer quand vous l’emmenez en longe.
- Vous l’avez laissé vous marcher sur les pieds au pansage, sans le remettre immédiatement à sa place et sans lui procurer aussitôt le désagrément de se faire marcher sur les pieds (il n’aime pas ça plus que vous).
- Vous l’avez laissé démarrer sans attendre votre demande, alors que vous n’étiez même pas encore dans votre selle.
- Vous l’avez laissé démarrer au trot ou partir au galop sans que vous lui ayez demandé.
- etc
Dans sa tête, c’est lui qui commande. Quand vous voulez changer cela et obtenir quelque chose, ne serait-ce qu’un changement d’allure ou de direction, il ne comprend pas que le chef, d’un seul coup, ce n’est plus lui, mais vous. D’où, bagarre. D’où, danger. D’où l’importance d’établir une relation où vous êtes le dominant, donc respecté et écouté.
Vous n’êtes pas au bon endroit.
Vous baignez dans le bonheur d’être au milieu de vos chevaux. Par malchance, c’est le moment que choisissent deux d’entre eux pour régler à leur façon leur problème de dominance. Et ne croyez surtout pas que votre présence va inhiber leur envie d’en découdre. Peut-être même que vous en êtes le catalyseur et qu’ils se battent pour la primeur de vos caresses ou du morceau de carotte supposé dans votre poche. Alors, attention aux coups de sabots inattendus. Ils ne seront peut-être pas perdus pour tout le monde.
Une éducation attentive et rigoureuse (l’esprit de contradiction, ça aide bien !) doit rendre leur fréquentation tout à fait plaisante pour les deux partenaires : homme et cheval.
Mais restons prudents : ces animaux gardent toujours des réactions surprenantes pour nous, mais parfaitement logiques au regard de leur nature. Et leur vivacité et leur force peuvent nous être défavorables.